Enfin, quand même...
Il y a des incontournables qu'il m'arrive de contourner. Pas
intentionnellement, attention, pensez, le site du premier congrès
national du PCC, je n'oserais pas. Pas parce que le site est loin de
chez moi, 3 stations de métro, une dizaine de minutes de marche à
travers le très touristique quartier de Xintiandi. Non, les files d'attente composées d'écoliers parfois, mais surtout de vaillants retraités à casquettes m'ont toujours découragée. Et voilà qu'au lendemain de
Qingming, alors que nous n'avions aucune intention d'entrer dans l'illustre bâtisse, le trottoir devant l'entrée était désespérément vide, il ne fallait pas rater l'occasion.
Le bâtiment gris joliment restauré est un lilong traditionnel sur deux étages, situé au 76, Xinye Road, à l'est de l’ancienne Concession française. Sa situation actuelle, au milieu de restaurants, boutiques et clubs à la mode, dans l'un quartier où le mètre carré de terrain est l'un des plus élevés de la ville, peut prêter à sourire... ou démontre la progression de la Chine dans sa transformation économique. Pour les Chinois, pas de contradiction : le capitalisme est une notion économique, alors que le communisme est politique, ils ne s'opposent pas. Un pays communiste peut se développer dans une économie capitaliste. C'est vrai, nous le constatons au quotidien !
C'est à cet endroit que le 23 juillet 1921 est né le Parti communiste chinois dans une totale clandestinité le congrès fondateur du parti communiste chinois réunissant 13 Chinois dont
Mao Zedong et deux députés de l'Internationale communiste.
Au départ de la visite, nous avons eu droit à un billet d'entrée à particularité chinoise : un bureau dans la cour intérieure, deux personnes pour le délivrer, un contrôleur de billet, tout ça pour un billet gratuit, en couleur, et numéroté !
Le musée, grâce à de nombreux documents et photos, retrace la naissance du PCC. On y trouve même une reconstitution en cire du premier meeting politique.
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Trouvé sur Internet puisqu'il était interdit de photographier cette
scène historique |
Le Programme du Parti adopté lors du congrès fixait les objectifs du
Parti : renversement de la bourgeoisie au moyen de l'armée
révolutionnaire prolétarienne, établissement de la dictature du
prolétariat, abolition du régime de propriété privée des moyens de
production — tous ces objectifs visant à l'élimination des classes. De
plus, le programme confirmait le centralisme démocratique comme principe
d'organisation du Parti et définissait la discipline du Parti. Le
congrès a fixé pour le Parti comme tâche essentielle et immédiate de
prendre la direction des mouvements ouvriers.
Shanghai, ville de forte concentration
ouvrière et place-forte du capitalisme, foyer de rassemblement
d'intellectuels modernistes,
est le laboratoire où peuvent naître et se développer les mouvements
révolutionnaires. Le régime des concessions, par la relative protection
qu'elles offrent, permet en outre à ces théories de s'exprimer avec plus
de liberté. Les principes de démocratie, de droits de l'homme, les
idéaux de la révolution française y sont revendiqués par la jeune
intelligentsia, qui dénonce en même temps la présence étrangère. La direction du PCC s'installe donc dans la concession, et
particulièrement, son secrétaire général, Chen Duxiu, professeur de
littérature francophile, converti au marxisme en 1920. Le premier congrès du Parti communiste et ses activités n'échappent pas à la surveillance policière. Chen Duxiu, qui tient
dans sa maison de la rue Vallon, une école de langues tenant lieu
d'officine de traduction et de diffusion de textes émanant du Komintern
et passant pour subversifs est l'objet d'une dénonciation et arrêté le 4
octobre 1921 puis en 1922. Grâce aux appuis dont il bénéficie il sera l'objet d'une clémence relative de la part des
autorités françaises.
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Chen Duxiu |
Par ailleurs, Chen Duxiu est l'un des inspirateurs du mouvement
travail et études qui, dès 1919, permet à 2 à 3000 étudiants-ouvriers -
parmi lesquels les deux fils de Chen Duxiu - de s'embarquer vers
Marseille. Le mouvement souffre des mauvaises conditions économiques en
France à cette époque et il se termine assez mal en 1925. Le 30 mai, la
police de la concession internationale a tiré sur un cortège de
manifestants qui soutenaient les ouvriers en grève d'une filature
japonaise de la banlieue ouest de Shanghai, faisant 13 morts et
déclenchant la colère à travers tout le pays et un mouvement
révolutionnaire préfigurant les évènements de 1927. A Paris, les
étudiants chinois soutiennent le mouvement, obtiennent l'appui des
communistes français, lancent des appels à l'insoumission aux marins
envoyés par la France pour protéger la concession. Parmi eux, des leaders - et non des moindres -
de la révolution chinoise : Zhou Enlai ou
Deng Xiaoping, pour lesquels
le séjour en France, malgré ses difficultés, a joué le rôle
d'apprentissage.
En poste à Shanghai de novembre 1925 à décembre 1927, le consul général Paul-Emile Naggiar a été le témoin des évènements que Malraux transcrira dans La Condition humaine (1933).
Ah, que l'histoire récente chinoise est riche... Et ce n'est pas dans des musées comme celui-ci que l'on pourra en trouver une transcription fidèle... Cumuler les sources, souvent étrangères, pourrait offrir une piste, tout comme les compte-rendus d'anonymes chinois qu'on trouve dans les librairies internationales.
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Mao tout jeune en 1921. |