Nous sommes constamment à la recherche d'endroits où écouter de la musique live. Nous avons notre petite panoplie, mais vraiment petite dans une ville si grande. Un Chinois m'a d'ailleurs dit un jour que "juste" écouter ne faisait pas partie de la culture locale : ici il faut faire, danser, chanter, jouer aux cartes, au mahjong, ... Il ne l'a pas dit, mais je pense aussi que ces endroits que nous recherchons sont chers pour le Chinois lambda, soit parce qu'il faut payer une entrée, soit parce que les consommations - souvent les deux - valent facilement deux ou trois repas d'un petit troquet local. Donc les endroits avec musique live accueillent au moins la moitié de gens comme nous, les lao wai.
Un nouvel endroit s'est ouvert en septembre, il était grand temps d'aller voir ce qu'il valait. J'ai bien aimé qu'il s'agisse d'une salle de concerts où l'on va écouter de la musique, plutôt qu'un bar où l'on papote en sirotant un verre. Je ne vais pas commenter ici la musique, électro, groupes inconnus bien sûr, mais plutôt parler de mon envie de retourner à Red Town de jour. De nuit, nous avons marché entre des statues imposantes, dans ce qui nous semblait être un parc.
La façade style "petits beurres" |
J'ai profité d'un de ces jours d'automne où la lumière dorée baigne la
ville pour explorer Red Town de jour. J'y ai découvert ce qu'on appelle
une zone créative, composée des boutiques, de musées, de galeries, qui
m'a fait un peu penser à M50, ou au parc de statues de Jing'An,
sauf qu'ici j'ai vu davantage de petits enfants courir entre les
sculptures que de touristes. Je suis convaincue, les œuvres, je les
préfère en plein air. Cerise sur le gâteau, les artistes m'ont semblé
être tous chinois. J'ai aussi été bien tentée par les petits cafés dans
cet environnement paisible.
Attention petit! |
Et surtout, surtout, j'ai eu l'impression de marcher dans un lieu hautement historique. Ici, l'histoire, il faut la sentir puisque celle que l'on nous vend, les Ming, les Qing ou autres Tang me semble opaque, je ne suis même pas capable de les nommer dans l'ordre. L'histoire récente - comprendre comment la Chine a basculé, bascule et ne s'arrêtera pas de plier au gré de tous les vents - est celle qui me fascine et m'interpelle, mais à force de démolitions et reconstructions, elle a des trous de mémoire.
Vestiges du passé ou sculpture? |
Tout ça parce que j'ai lu à l'entrée que le parc et les bâtiments se trouvaient sur le site de l'usine d'acier N°10 ! J'ai déjà un peu parlé du Grand Bond en avant dans le billet sur Mao, mais ce site m'incite à y revenir.
Le Grand Bond en avant ( 大躍進 Dà yuè jìn) est le nom donné à une politique économique lancée par Mao Zedong et mise en œuvre de 1958 au début 1960 pour donner une nouvelle orientation politique à la Chine. Cette campagne, qui mobilise par la propagande l’ensemble de la population a pour but de stimuler en un temps record la production par la collectivisation agricole, l’élargissement des infrastructures industrielles et la réalisation de projets de travaux publics d’envergure. D’autant plus que la Chine prend ses distances avec l’URSS, il est
donc nécessaire pour elle de produire en quantité ce qu’elle importait
de Russie autrefois, et notamment de l’acier. Il s’agit en fait d’un double projet : moderniser
le pays tout en relançant l’utopie socialiste déclinante.
On voit se multiplier dans toute la Chine des "petits hauts-fourneaux" , visant à produire l’acier nécessaire au développement de la Chine.
Mao a fixé les objectifs de production à 10 700 000 tonnes - création de
600 000 fourneaux à travers la Chine. Des cantines gratuites sont mises en place, afin de libérer les femmes des tâches domestiques, et permettant ainsi de les envoyer aux champs, et
surtout de récupérer les ustensiles de cuisine pour la production
d’acier. Tous
les paysans participent, dans un élan de fierté communiste, et donnent beaucoup de leurs objets métalliques, comme des marmites, ou
encore leurs outils pour les faire fondre. Rien ne doit se dresser contre le
Grand Bond en avant, pas même les oiseaux. Selon Mao, A chaque fois
qu’un oiseau mange un grain de riz, il prive la population chinoise
de nourriture, c'est pour cela qu'une mobilisation générale
de toute la Chine dans le but de tuer les oiseaux est ordonnée. Si ce n'était si dramatique, cette anecdote ferait rire.
Malgré
l’enthousiasme de la population quant à sa production (on voit même les
artistes de l’opéra de Pékin mettre la main à la pâte), une grande
quantité de cet acier de piètre qualité est inutilisable.
Irréaliste, ce programme se révèle un fiasco, la Chine échappant de
peu à l’effondrement complet de son économie. La Grande famine de Chine,
qui sévit entre 1958 et 1962 en conséquence de cette politique, a
longtemps été cachée, si bien que les spécialistes ont douté de son
existence même. Ce n’est que dans le milieu des années
1980 que des démographes américains ont pu avoir accès aux statistiques
de la population après la politique d’ouverture de la Chine de 1979.
Leurs conclusions ont été qu'au moins 30 millions de personnes étaient
mortes de faim durant cet épisode de l’histoire de la République
populaire – un chiffre jamais envisagé avant cette date. Les estimations
actuelles varient entre 30 et 55 millions de Chinois morts selon les
historiens, le Parti communiste chinois occulte toujours cette période
de son histoire afin de protéger l'image de Mao Zedong et du parti.
Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Bond_en_avant
http://www.chine-chinois.com/le-grand-bond-en-avant-premiere-partie/#ixzz2jpCh0OJV
http://miraclechinois.e-monsite.com/pages/page.html
Et sur Red Town : http://www.sss570.com/
570 Huaihai Xi Lu, near Hongqiao Lu 淮海西路570号, 近虹桥路,
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