Bruno Barbey, Jiang Qing (Madame Mao) |
J'ai commencé cette histoire en juillet 2013, certainement convaincue que j'allais enchaîner immédiatement avec la partie II. Et puis ce billet est resté dans la boîte à brouillons pendant presque un an. Il est temps d'y mettre un point final, plutôt que de le supprimer, tous ces photographes qui ont raconté la Chine méritant mieux que la poubelle.
Cette partie est consacrée à la photographie pendant la période Mao, considérée comme un outil de propagande puissant, capable de montrer une réalité déformée. Les photographes sont parfois artistes, souvent journalistes, contrôlés par Jiang Qing.
Li Zhensheng (né en 1940) a travaillé comme photojournaliste pour le Heilongjiang Daily dans les années 1960 avant de devenir documentaliste pendant la Révolution culturelle (1966-1976) visant à appliquer de façon drastique le socialisme, les traditions et la culture de la société chinoise. Ce travail l'a forcé à porter deux chapeaux, photographe officiel des Gardes rouges et photographe indépendant rebelle. Lorsque la plupart de ses collègues ont été obligés de détruire tous leurs négatifs, Li a réussi à les préserver à ses risques et périls. Plus que de simples images historiques, ils véhiculent l'incroyable courage d'un photographe.
Dès l’âge de 22 ans, le photojournaliste Henri Cartier-Bresson
(1908-2004) a arpenté les sentiers du monde entier, sans jamais quitter
son appareil photo. Ses voyages
incessants lui ont permis de capturer le monde entier, notamment la
Chine durant le Grand Bond en avant lancé dès 1958. La photographie
ci-dessus a été prise à la fin des années 1950, lorsque que
Cartier-Bresson a été commissionné par le magazine
américain LIFE. L’auteur a capturé les bouleversements de la vie quotidienne des Chinois
à travers des photographies en noir et blanc et en
couleur.
Marc Riboud (né en 1923) a eu son premier contact avec un appareil
photo à l’âge de quatorze ans et est entré dans l’agence Magnum en 1953, ce
qui lui a permis de voyager à travers le monde (Amérique, Moyen-Orient,
et Asie parmi d’autres). Il a su transcender les frontières séparant le
photojournalisme et la photographie d’art en montrant une évidente
passion pour ses sujets sans pour autant oublier la distance nécessaire à
toute interprétation. La Chine occupe une place atypique dans son
parcours puisqu’il va consciencieusement l'observer depuis 1957. Sa série La Chine sous Mao révèle à quel point Riboud était à
la recherche de l’imprévisible tout en gardant un regard profondément
respectueux envers ce pays et sa population. Voir aussi une page de France 3 sur Marc Riboud ici.
J'ai déjà consacré un billet à Bruno Barbey, un autre photographe illustre de l’agence Magnum. Lors de la visite de
l’ancien président George Pompidou (1911-1974) en Chine en 1973, Bruno
Barbey est nommé photographe officiel de la presse française. Quelques
années plus tard, en 1980, il a accompagné une mission américaine pour le
magazine GEO. Il a suivi les
déplacements diplomatiques, documentant les rencontres, les grandes
métropoles, mais aussi les charmes des paysages des provinces.
Ho Fan (né en 1937 à Shanghai) est un réalisateur et acteur hongkongais. Toutefois
il est impossible de passer à côté de ses nombreuses photos
expressionnistes et expérimentales qui retracent la vie urbaine du Hong
Kong des années 50 à nos jours, mais aussi qui explorent des sujets plus
ancrés dans la tradition picturale comme les shanshui (mot chinois
signifiant la peinture traditionnelle de paysage), l’abstraction ou les
nus. Les photographies de Ho Fan sont tout sauf de la " pure photographie ", il aime à leur ajouter des dimensions dramatiques et
expressionnistes, en déformant volontairement les silhouettes, en
accentuant les zones d’ombre et de lumière, en altérant la perspective...
Weng Naiqiang (né en 1936 à Jakarta, Indonésie) est arrivé en Chine à l’âge
de 15 ans et a débuté sa carrière de photojournaliste dans les années 60.
Armé de son Rolleiflex, Weng a représenté la
Révolution culturelle et le rouge qui lui est associé. Le fait d’être un
grand fan de Mao, et d’être nommé photographe officiel d’un tel
événement historique ne pouvait laisser de marbre le photographe. Il
n’est donc pas étonnant que son engouement se traduise dans ses
photographies aux multiples couleurs vibrantes et dynamiques. Sous Mao, les frontières chinoises avaient fermé
leurs portes à toute influence provenant des canons occidentaux de la
photographie. Aussi, le but de montrer ce genre d'images n’est
certainement pas d’encenser la photographie de propagande mais de
comprendre ce qu’était la photographie locale même pendant une période
de grand extrémisme. Indéniablement, Weng a représenté une période noire
sous un nouveau jour tout en couleur. Cette imagerie à l’orientation
clairement idéologique demeure une clé importante pour saisir les
pratiques contemporaines, notamment la réappropriation de la symbolique
du rouge.
Niu Weiyu (née en 1927) a débuté sa carrière en tant que photojournaliste dans
la Chine des années 1940. Ses portraits qui composent la grande majorité
de son œuvre, allient avec talent réalité et poésie ce qui lui permet
de saisir non seulement la vitalité des personnages, mais aussi la
symbolique sociale de l’époque au travers de leurs activités.
En tant que photographe de l’agence Xinhua, Zhang Yaxin (né en 1933) a été chargé de photographier les opéras-modèles et leur
signification politique durant la période de la Révolution culturelle. La série Red Times lève le voile sur les huit opéras officiels qui accompagnèrent la vie
des Chinois durant plus de dix ans. Mais au delà de ces visions
théâtrales, Zhang Yaxin a représenté également les particularités de la
vie quotidienne dans la Chine des années 1960-70, comme des
manifestations pro-parti communiste hautes en couleurs, ou la force de
travail du peuple chinois. De telles photographies avaient pour
but principal de promouvoir l’idéologie révolutionnaire, elles jetèrent
néanmoins les bases d’une esthétique codifiée et d’une culture visuelle
qui eurent une influence considérable sur plusieurs générations de Chinois.
Ho Fan |
Au lendemain de la Révolution culturelle,
la photographie documentaire se développa rapidement. Beaucoup de
journalistes travaillaient alors pour l'État, et ne possédaient donc pas
les droits d'auteur de leur travail.
Marc Riboud, Beijing 1965 |
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