He Youzhi, je l'avais découvert en 2012 lors d'une visite au Musée de l'Urbanisme. J'ai été immédiatement sous le charme de ses dessins réalistes d'une Chine qui ressemblait davantage à celle que j'avais imaginée qu'à celle qui m'entourait.
Et puis j'ai tout oublié, jusqu'à son nom. Il aura fallu une nouvelle visite au même endroit, une autre exposition pour le rappeler à mon bon souvenir. Qui est donc ce petit bonhomme que nous avons vu en carton ?
He Youzhi (賀友直) est un auteur de bandes dessinées né en 1922 dans la province voisine du Zhejiang. Ses premiers dessins datent de septembre 1949, à la libération de Shanghai. Il commence à dessiner professionnellement à l'âge de trente ans, en 1952. Il effectue une grande partie de sa carrière avec des œuvres nettement politiques qui raconte comment une jeune fille futile, désirant entamer une
carrière d'actrice, se résigne à devenir paysanne, sous la pression
amicale mais insistante de tout un village. Professeur à l'Institut
central des Beaux-Arts à Pékin, il y crée le département de bandes
dessinées (Lianhuanhua). Affecté aux éditions nationales, il y occupera le poste de dessinateur mais aussi celui de " rédacteur de dessin ".
Dans les années 1980, il publie un album d'inspiration autobiographique (publié en France sous le titre de Images enchaînées). Il est considéré comme un des plus grands maîtres du dessin en Chine et le musée d'art de Shanghai lui consacre une exposition permanente. Ses œuvres ont connu des tirages extraordinaires. " En entrant dans le monde de la BD, j'ai compris que je pouvais m'exprimer avec sincérité. Je suis tombé amoureux de cet art," explique-t-il.
Images enchaînées, Les amitiés franco-chinoises, 1988 |
Au nombre de ses bandes dessinées les plus connues figurent Grands
changements dans un village de montagne (1961) et La Combe ensoleillée
(1979).
Sa première œuvre à être traduite en France, Mes années de jeunesse s’inscrit dans une veine très en vogue dans la BD contemporaine, le récit autobiographique. Couvrant les années 1922-1952, cette suite de dessins
accompagnés de brèves légendes (dans la tradition des lianhuahua) relate
avec pudeur l’enfance, l’apprentissage, et l’entrée dans la carrière de
He Youzhi. Exécutés en 1987, les dessins relèvent d’une sorte de " ligne claire " orientale, ils sont délicats et précis. Ils obéissent à
des compositions superbes et fourmillent de détails pittoresques qui en
font aussi un reportage sur la Chine pré-maoïste.
Éditions de l’An 2, 2006 |
Un an plus tard est arrivé Cent métiers du vieux Shanghai comprenant les illustrations que j'avais vues en exposition, un ouvrage qui recense des métiers pratiqués dans la Chine citadine
d'antan. He Youzhi évoque les petits métiers des rues qu’il a
observés dans son enfance. Le vendeur d’olives, le peintre de camelote,
le chiffonnier, le diseur de bonne aventure et le ramasseur de cadavres
sont magnifiés par son pinceau virtuose. Si certains métiers ne s'éloignent pas trop de ceux, disparus
ou non, du patrimoine chinois, comme barbier, chiffonnier ou marchand
ambulant, d'autres renvoient fortement aux
particularismes de l'histoire chinoise. Ainsi, on découvre
des professions insolites comme ventilateur (un domestique chargé de
faire tourner les ventilateurs manuels aux bains), ramasseur de cadavres ou vidangeur d'excréments. C'est un patrimoine vivant que lègue He Youzhi, d'autant plus que les textes accompagnant ses
illustrations fourmillent d’anecdotes personnelles et
de " choses vues " constituant de précieux témoignages, .un ouvrage à la fois
documentaire et ludique, une sorte de catalogue de curiosités, un univers
qu'on pénètre avec un intérêt et plaisir.
Le vendeur de rue qui joue de l'erhu. |
He Youzhi vit désormais retiré à la campagne, non loin de Shanghai.
Je suis tombée sur un entretien que He Youzhni a accordé en 2007, il se trouve ici.
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