Pour qui? Pour quoi?


A peine arrivée, j'ai eu envie de rédiger et d'illustrer nos découvertes et notre nouvelle vie. Pour ceux que ça intéresse, mais aussi pour nous, des fois que nos mémoires nous jouent des tours.

mercredi 30 mai 2012

Le Poète mangeur de lions dans son repaire de pierre

Je n'ai pas utilisé toutes les phots de lions pour
le billet qui leur est consacré...
Non ce n'est pas encore une histoire de lions. Quoique...

Hier soir, comme presque tous les mardis, j'ai vu mon amie chinoise Kelly. Depuis l'époque où j'ai écrit un billet sur elle, rien n'a vraiment changé dans notre approche de nos soirées de bavardages, sinon qu'elle a beaucoup progressé en français et que je stagne un peu en chinois. Néanmoins, malgré mon manque d’assiduité à l’apprentissage nous arrivons quand même à explorer des sujets non préparés. Hier soir donc, il lui semblait que les étrangers de Beijing étaient davantage préparés à entrer dans la culture chinoise que les lao wai de Shanghai qui se retrouvent en bandes dans des endroits branchés pour lao wai. Elle avait vu dans une série à la TV des étrangers qui apprenaient ou pratiquaient des jeux de langue très chinois plein de subtilités. Un de ces jeux était la maîtrise de virelangues (ou tongue twisters en anglais). Pour qu'on se rende compte de ce que ça donne en français :
Si six scies scient six saucissons, six cent six scies scient six cent six saucissons.
En chinois, un virelangue, c'est encore plus compliqué, à cause des 4 tons. Alors voyons la crème du virelangue, juste pour rire ou s'énerver, selon l'humeur.

Le Poète mangeur de lions dans son repaire de pierre est un exemple célèbre de littérature à contraintes et de virelangue composé par Zhao Yuanren. Il consiste en un texte de 92 caractères chinois, tous prononcés shi selon différents tons lorsqu'il est lu en mandarin standard.

施氏食狮
Shī shì shí shī shǐ
石室诗士施
Shíshì shī shì shī shì,
, 誓食十
Shì shī, shì shí shí shī.
氏时时适市视
Shì shíshí shì shì shì shī.
, 适十狮适
Shí shí, shì shí shī shì shì.
, 适施氏适是
Shì shí, shì shī shì shì shì shì.
氏视是十, 恃矢,
Shì shì shì shí shī, shì shǐ shì,
使是十狮逝
Shíshì shī shì shī shì,
氏拾是十狮, 适石
Shì shi shì shí shī shī, shì shíshì.
石室湿, 氏使侍拭石
Shíshì shī, shì shǐ shì shì shíshì.
石室, 氏始试食十狮
Shíshì shì, shì shǐ shì shí shí shī shī.
, 始识十狮,
Shí shí, shǐ shi shí shī shī,
实十石狮
Shí shí shíshī shī.
试释是
Shì shì shì shì.

Aperçu du texte :

Le premier vers (le texte entier contient 92 caractères) s'écrit en caractères chinois  石室詩士施氏, 嗜獅, 誓食十獅。Traduit littéralement en français, ce premier vers signifie " Dans un repaire de pierre se trouvait le poète Shi, qui aimait manger des lions, et décida d'en manger dix. ".

Lu en mandarin, le texte est difficilement compréhensible oralement pour quelqu'un qui ne le connaît pas : chaque caractère est prononcé suivant différents tons sur la base "shi". Le premier vers est ainsi retranscrit en pinyin comme "Shíshì shīshì Shī Shì, shì shī, shì shí shí shī.".

Certains linguistes de Chine pensent que le texte est une démonstration par l'absurde de l'inopportunité de la romanisation de la langue. Elle troublerait plus les personnes s'intéressant aux langues chinoises qu'elles ne les aideraient.

Une petite traduction? C'est parti !

Le poète mangeur de lions

Dans un repaire de pierre se trouvait le poète Shi, qui aimait manger des lions, et décida d'en manger dix.

Il se rendait régulièrement au marché pour trouver des lions.
Un jour à dix heures, dix lions arrivèrent justement au marché.
À ce moment, Shi arrivait aussi justement au marché.
Voyant ces dix lions, il les tua avec des flèches.
Il ramena le corps de ces dix lions au repaire de pierre.
Le repaire de pierre était humide. Il demanda à ses assistants de l'essuyer.
Après que le repaire de pierre fut essuyé, il essaya de manger ces dix lions.
Quand il mangea, il se rendit compte que ces dix lions étaient maintenant dix corps de lion en pierre.
Essayez d'expliquer ceci. 


Et pour apporter une conclusion au commentaire de Kelly, je lui ai dit que je ne connais pas bien Beijing. Mais j'ai l'impression que les expats là-bas doivent ressembler à ceux d'ici. La différence est qu'elle les a vus dans une série TV, alors qu'ici elle nous voit en vrai, avec tous nos défauts et nos limites. La télévision, c'est un monde idéal, celui que les autorités voudraient promouvoir, ces étrangers qui n'ont qu'un but en tête, s'imbiber de la culture ambiante, et pas de ces dévergondés qui influencent tellement la jeunesse locale.

2 commentaires:

  1. Que de chichis pour quelques lions! Merci pour tous les beaux moments passés sur ce blog, qui ravivent énormément de souvenirs.

    RépondreSupprimer
  2. Ah, mais pour toi, tous ces chichis ne doivent représenter aucun souci, quand on a l'oreille musicale, si si. A tout bientôt!

    RépondreSupprimer