Pour qui? Pour quoi?


A peine arrivée, j'ai eu envie de rédiger et d'illustrer nos découvertes et notre nouvelle vie. Pour ceux que ça intéresse, mais aussi pour nous, des fois que nos mémoires nous jouent des tours.

jeudi 30 juin 2011

Kelly




On me dit que j'ai bien de la chance. Et je crois que c'est vrai!

Trouver un ou une partenaire pour pratiquer la langue est le souhait de chacun qui apprend le chinois. Mais ce n'est pas chose facile. Bien sûr, il y a des petites annonces dans des magazines pour expatriés. Mes ex-camarades d'école m'informaient que pour les gars, c'était plutôt assez facile, mais ce n'était pas toujours l'exercice de la langue qui était recherché. Et pour les filles, entrer en contact était encore plus difficile, pour la raison mentionnée ci-dessus. Alors qui voudrait d'une vieille comme moi, qui n'a que d'honnêtes intentions pour échanger de la conversation chinoise contre du français ou de l'anglais?

Cette perle rare s'appelle Kelly!




Je l'ai rencontrée, un peu par hasard. Dans ma classe à l'uni, il y avait une Coréenne qui avait passé 7 ou 8 ans aux USA (d'où la facilité de communiquer entre nous). Eunmei était envoyée en Chine par son église dans le but de développer son emprise. Un jour de novembre, elle m'a parlé d'une Chinoise qui souhaitait apprendre le français en échange de conversation chinoise. Mes camarades occidentaux étaient très curieux et envieux, mais voilà, elle c'était du français qu'elle voulait apprendre, pas de l'anglais. 


uant à moi, j'hésitais. Cette histoire d'église ne m'inspirait guère. Mais nous sommes tout de même entrées en contact. Dans le premier mail, Kelly me détaillait ses diplômes. Je trouvais marrant qu'elle en ressente le besoin puisque je voulais juste discuter, donc "n'importe qui" aurait fait l'affaire. D'autant plus que je n'avais pas grand chose à lui balancer en contre-partie. Nous avons décidé de nous voir avec Eunmei en chaperon dans un restaurant. Nous avons laissé Kelly choisir les plats. Mauvais signe, elle avait, entre autres, choisi du tofu puant*! Nous avons un peu parlé, en anglais qu'elle maîtrise très bien, et surtout avec Eunmei.
Mais rendez-vous a été fixé. Nous allions nous retrouver le mardi à 19 heures dans un Starbucks de Xujiahui. Ce que nous faisons depuis, sauf quand nous avons une bonne excuse. 

  
Nous commençons invariablement par un tour de piste en Chinois. Je lui raconte des banalités, lui pose des questions, par exemple comment on trouve un petit copain (et non pas sur un point de grammaire)  elle m'explique la Chine, sa vie, me pose aussi des questions. Parfois, on part d'un sujet très banal et hop, je sue car nous nous entraînons mutuellement sur des chemins que je ne maîtrise pas du tout, pas de assez de vocabulaire, des structures de langue insuffisantes, que de frustrations. Genre quand nous nous sommes lancées sur l’Égypte, un pays qu'elle rêve de visiter. Va expliquer comment c'est l’Égypte, en plus au moment de la chute de Moubarak, les temples, les dieux, les momies, tant de richesses, tant de pauvreté. Bref, c'était é-pui-sant! Il peut arriver que j'annonce à la fin de cette période, en anglais cette fois, que voilà ce que je voulais vraiment dire...


Mais heureusement, il y a une compensation. Au bout d'environ une heure, on passe au français. Et c'est qui qui rigole? C'est qui qui soupire? Elle apprend le français sur la base d'un programme vidéo qui date des années 80. Il y a donc des mises à jour à faire. Par exemple quand elle me décrit quelqu'un et qu'elle me dit: "Il n'a pas de moustache." Mais qui a encore une moustache à 20 ans? En tous cas, on rit bien. L'autre jour, comme elle venait d'apprendre les parties du corps (dont la moustache), nous avons joué à "Jacques a dit" sur la terrasse du Starbucks et sous le regard amusé des passants.
Comme je savais que je voulais lui consacrer une chronique, ça a été l'occasion d'orienter 2 parties chinoises de nos rencontres.

Qui est Kelly?
La Chine
Le Hubei










Elle m'a expliqué que son vrai nom était Yin Fang Li, mais que, comme beaucoup de Chinois, elle a choisi un nom "international" (souvent anglophone) qui faisait du sens. Elle vient de Ezhou dans le Hubei où elle a étudié le chinois et la littérature chinoise pour devenir enseignante. Mais, dans le fond, elle ne voulait pas être enseignante, c'est juste que c'était plus pratique de faire ce choix. Elle voulait devenir interprète. Comme elle avait envie de prendre son envol, elle a laissé père et mère et petit frère pour venir à Shanghai parce qu'elle avait une copine qui y vivait et qu'elle pouvait partager son appartement. Ça, c'était le 8.8.2007. Le 8.8. c'est un chiffre qui porte chance et elle s'en souvient parce que c'était un an exactement avant l'ouverture des J.O. de Beijing. Elle a trouvé du travail 7 jours après son arrivée, on voit que la chance était à ses côtés. Où elle l'a lâchée, c'est quand elle s'est inscrite aux examens pour devenir interprète. Il lui manquait 2 points, elle n'a pas été acceptée. Elle travaille depuis presque 2 ans pour une compagnie française qui fait fabriquer des vêtements en Chine pour les vendre en France. Son travail est de négocier prix et contrats.

Quand je l'ai rencontrée, elle n'avait pas de petit ami, ce qui est un souci quand on a 28 ans. Maintenant, elle en a 29 et a un petit ami. Je lui ai dit l'autre jour que je la trouvais tellement plus épanouie.

Nous avons aussi parlé de son frère qui vit sur l'île de Hainan avec sa copine et qui vient de s'acheter un appartement. Ce qui m'étonne, mais qui est très fréquent, c'est que son papa vit pendant 7 mois chez son frère pour refaire le nouvel appartement. Et la maman reste seule dans le Hubei, et tout son petit monde lui téléphone tous les jours.

Et enfin, quelques mots sur ses loisirs. Kelly aime regarder des séries télé américaines. Elle va volontiers écouter du jazz à Moganshan Lu. Elle aimait danser, mais son copain pas trop, alors elle a mis cette activité de côté. Et bien sûr le dimanche, elle va à l'église où elle donne aussi un coup de main pour l'insertion des migrants.


* Le tofu puant, c'est la pire chose qui puisse atterrir dans son assiette. En anglais, c'est du smoky tof, mais ce n'est pas meilleur. En fait, c'est faux. Le smoky tof sent pire qu'il n'est quand on le mange. Mais il faut passer la barrière de l'odeur. J'imagine que des Chinois pourraient avoir le même dégoût en sentant certains de nos fromages. En tous cas, moi, j'ai juste envie de vomir quand je sens cette odeur dans la rue et je ne suis pas la seule. Heureusement, il semble que c'est une odeur d'hiver.

La main d'oeuvre bon marché appartient au passé


Sans "?" Sans "!" Sans "...". Comme je l'ai trouvé dans le journal l'autre jour.

 J'aime bien, ça ne donne aucune indication, c'est flou et mystérieux. Voyons donc.

Sur les chantiers, on emploie beaucoup de migrants
On le sait bien, la compétitivité de la Chine dépend en premier lieu d'une abondance de main d’œuvre bon marché. Mais ça pourrait bien changer. Les gens des campagnes qui viennent trouver un emploi dans les villes, particulièrement de l'est du pays, sont en diminution. Après le dernier Nouvel An en février 2011, on a pu constater une pénurie de travailleurs migrants (toujours des Chinois, mais venant des campagnes). Ils sont retournés chez eux pour les fêtes, mais ne sont tout simplement pas revenus. Le recteur de la Faculté des sciences économiques de l'Université Fudan explique que ces migrants ne sont plus d'accord de travailler pour une maigre pitance alors qu'ils sont entourés de richesses ostentatoires; le pays va bien et eux sont à la traîne. Alors pourquoi devoir travailler tellement loin de chez eux? D'autant plus que le Gouvernement Central pousse pour que des entreprises se développent au centre et à l'ouest du pays.

Un migrant qui retourne chez lui lors du Nouvel An chinois
Je me vois ici obligée de m'éloigner de mon sujet du jour, mais c'est pour mieux y revenir plus tard.

Si on m'avait demandé quelle était la plus grand ville de Chine, j'aurais hésité entre Beijing et Shanghai. Beijing? Shanghai? Ou alors Guangzhou (anciennement Canton)? Pas du tout. Bon, il faut voir comment le calcul est fait, si on prend la ville même ou si l'on y inclut la banlieue. Faisons donc ça, prenons ville et banlieue pour arriver gentiment à 32 millions. Mais quelle est cette bucolique petite bourgade? Suspens... And the winner is ... Chongqing! Oui, je sais, c'est un choc. Allons tout de suite voir ce que le fidèle Wikipédia nous raconte:
"Historiquement, Chongqing (en sinogrammes simplifiés : 重庆 ; en sinogrammes traditionnels : 重慶 ; en pinyin : Chóngqìng (ou Ch'ung-ch'ing, nommée autrefois Tchongking en français)* était une des principales villes de la province du Sichuan. Dans les années 1990 (à partir du 18 juin 1997, plus précisément), la ville et des régions voisines ont été détachées de la province et sont devenues une municipalité, type particulier de division administrative chinoise. En 2010, la zone urbaine compte environ huit millions d'habitants. La municipalité dans son ensemble s'étend sur 82 300 km² et regroupe plus de trente-et-un millions de personnes.
Chongqing présente d'importantes différences avec les trois autres municipalités, Shanghai, Pékin et Tianjin. Alors que celles-ci sont situées dans l'est du pays et existaient avant la proclamation de la république populaire, la municipalité de Chonqqing a été recréée dans les années 1990 pour des raisons économiques (volonté des dirigeants chinois d'en faire un pôle économique majeur de la Chine intérieure) et pour gérer les relogements des personnes déplacées par la mise en eau du barrage des Trois Gorges. Dans les années 2000, la partie urbaine de Chongqing a été une des régions de Chine où la croissance démographique a été la plus forte."
Et que l'on ne vienne pas me dire que c'est
comme Shanghai
Ça valait la peine de se lever, non?

Pour voir où ça se trouve.
Nous n'y sommes encore
jamais allés.














En fait, j'ai aussi lu, il y a quelques mois, que les autorités, non seulement encourageaient, mais aussi imposaient aux paysans la vente de leurs terres pour une bouchée de riz et faisaient, de ce fait, une double bonne opération:  avoir davantage de terrains pour des développement industriels et de la main d’œuvre. Celui qui dénonçait ce plan était un autre économiste qui craignait que le pays ne souffre de pénurie de nourriture et qu'il faille aller s'approvisionner en Afrique ou au Brésil, où, par ailleurs, la Chine possède des terres. Mais ceci est hors sujet. Absolument.

Un marché improvisé dans un hutong de Beijing
Résumons. L'est, avec son opulence n'a plus la cote auprès des ouvriers migrants. Trop loin de chez eux.
Et trop mal payé. Les migrants veulent gagner davantage. Même si le salaire minimum a augmenté de 22% entre 2009 et 2010, Shanghai ayant la palme d'or avec 1 120 yuans (on divise toujours par 7) par mois. Il faut dire que la génération montante n'est plus comme la précédente. S'ils doivent tout quitter, il faut que cela en vaille la peine. Le gouvernement a imposé aux entreprises de prendre en charge la sécurité sociale de leurs employés. Et pour certaines entreprises, cela peut signifier fonctionner à perte ou la fermeture. Un député de la Fédération Chinoise de l'Industrie et du Commerce commente: "Dans le passé, la main d’œuvre était bon marché parce que les paysans avaient zéro salaire. Tout ce qui était plus élevé que zéro faisait l'affaire. L'industrie s'était habituée à cette pratique et il faut un certain temps d'adaptation à la nouvelle réalité."










Maintenant, ce qui manque le plus dans la société chinoise, ce sont des ouvriers qualifiés et des techniciens. Il y a pléthore d'universitaires, mais les écoles professionnelles ne font pas le plein. Les raisons sont multiples et diverses. Les travailleurs non-qualifiés n'ont souvent pas les moyens d'investir dans une formation. Même si la formation est offerte, chaque jour d'étude est un jour de salaire perdu. Et d'un autre côté des millions d'universitaires se battent pour quelques postes dans l'industrie et acceptent des salaires bien au-dessous de ce que leurs diplômes rapportaient il y a encore quelques années.
A l'expo solaire. Pause clope et étude du plan
Tout ça force à la réflexion. Souvent nous nous disons que nous aurions bien des choses à retirer de notre expérience, de cette Chine qui s'ouvre à nous. Mais ces 9 000 km nous font aussi réaliser qu'il y a des belles réussites chez nous, comme la formation. Alors veillons sur elle, bichonnons-la.


* Si on nous demande. Et si on veut gagner à "Questions pour un champion" dans la catégorie "Chine".

mercredi 29 juin 2011

Juillet 2010: Ce que je sais de Shanghai

Shanghai est au bord de la mer et ça ne se voit pas trop. On n'est pas à Rimini, même si la chaleur y est. Heureusement, parce que tous ces 20 millions de gens au bord de la mer sur leur transat, ça prendrait de la place. Sûr qu’il y a la mer, mais on ne la voit pas tellement danser le long des berges claires. Si vous reprenez Tintin et le Lotus bleu, c’est dans les quartiers 1,2 et 5 que Tintin et Mitsuhirato se pourchassent. Donc, vous voyez le "centre ville", c’est la partie en jaune claire. Par exemple, Fred va à Minhang travailler (assez contre 3). Mais toujours du même côté du Hang Pu (le fleuve), sinon c’est galère…
Mais si on réfléchit un peu, c’était souvent le cas de ne pas poser une ville au bord de la mer : ouh la, trop dangereux ! les méchants peuvent débarquer n’importe comment, les typhons et autres bourrasques arrivent sans prévenir.
Bon depuis ces temps reculés, on voit que les terrains ont été asséchés, démoustiqués et qu’on y construit. Justement, ici depuis Baoshan à Jinshan, le plan machiavélique est de faire de Shanghai le plus grand port du monde, genre de Dunkerque à Rotterdam. Sur les photos, quand on voit de l’eau, c’est le Hang Pu.
Ils aiment bien le grand ici. Tout est hors norme (en tous cas pour nous). Vous voyez, en 2007, dans mon guide tout neuf d’alors, il y avait 3 lignes de métro. Ben, maintenant on est à 10. Enfin, je crois, peut-être qu’ils en ont vite fait une cette nuit.
Lors de notre premier week-end, nous en avons profité pour visiter des appartements. Tout ce qu’on peut dire, c’est que nous avons bien avancé, nous avons vu des trucs bien, et des drôles de choses, mais nous serons dans les délais (= 1er août) pour entrer chez nous. Au moins nous avons déjà choisi notre quartier (3 près de 2, mais sur la ligne de métro 1, attention !).