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A peine arrivée, j'ai eu envie de rédiger et d'illustrer nos découvertes et notre nouvelle vie. Pour ceux que ça intéresse, mais aussi pour nous, des fois que nos mémoires nous jouent des tours.

jeudi 26 juin 2014

Décoder la Chine par la photographie II : Madame Mao

Bruno Barbey, Jiang Qing (Madame Mao)
J'ai commencé cette histoire en juillet 2013, certainement convaincue que j'allais enchaîner immédiatement avec la partie II. Et puis ce billet est resté dans la boîte à brouillons pendant presque un an. Il est temps d'y mettre un point final, plutôt que de le supprimer, tous ces photographes qui ont raconté la Chine méritant mieux que la poubelle.

Cette partie est consacrée à la photographie pendant la période Mao, considérée comme un outil de propagande puissant, capable de montrer une réalité déformée. Les photographes sont parfois artistes, souvent journalistes, contrôlés par Jiang Qing.


Li Zhensheng (né en 1940) a travaillé comme photojournaliste pour le Heilongjiang Daily dans les années 1960 avant de devenir documentaliste pendant la Révolution culturelle (1966-1976) visant à appliquer de façon drastique le socialisme, les traditions et la culture de la société chinoise. Ce travail l'a forcé à porter deux chapeaux, photographe officiel des Gardes rouges et photographe indépendant rebelle. Lorsque la plupart de ses collègues ont été obligés de détruire tous leurs négatifs, Li a réussi à les préserver à ses risques et périls. Plus que de simples images historiques, ils véhiculent l'incroyable courage d'un photographe.


Dès l’âge de 22 ans, le photojournaliste Henri Cartier-Bresson (1908-2004) a arpenté les sentiers du monde entier, sans jamais quitter son appareil photo. Ses voyages incessants lui ont permis de capturer le monde entier, notamment la Chine durant le Grand Bond en avant lancé dès 1958. La photographie ci-dessus a été prise à la fin des années 1950, lorsque que Cartier-Bresson a été commissionné par le magazine américain LIFE. L’auteur a capturé les bouleversements de la vie quotidienne des Chinois à travers des photographies en noir et blanc et en couleur.


Marc Riboud (né en 1923) a eu son premier contact avec un appareil photo à l’âge de quatorze ans et est entré dans l’agence Magnum en 1953, ce qui lui a permis de voyager à travers le monde (Amérique, Moyen-Orient, et Asie parmi d’autres). Il a su transcender les frontières séparant le photojournalisme et la photographie d’art en montrant une évidente passion pour ses sujets sans pour autant oublier la distance nécessaire à toute interprétation. La Chine occupe une place atypique dans son parcours puisqu’il va consciencieusement l'observer depuis 1957. Sa série La Chine sous Mao révèle à quel point Riboud était à la recherche de l’imprévisible tout en gardant un regard profondément respectueux envers ce pays et sa population. Voir aussi une page de France 3 sur Marc Riboud ici.


J'ai déjà consacré un billet à Bruno Barbey, un autre photographe illustre de l’agence Magnum. Lors de la visite de l’ancien président George Pompidou (1911-1974) en Chine en 1973, Bruno Barbey est nommé photographe officiel de la presse française. Quelques années plus tard, en 1980, il a accompagné une mission américaine pour le magazine GEO. Il a suivi les déplacements diplomatiques, documentant les rencontres, les grandes métropoles, mais aussi les charmes des paysages des provinces.


Ho Fan (né en 1937 à Shanghai) est un réalisateur et acteur hongkongais. Toutefois il est impossible de passer à côté de ses nombreuses photos expressionnistes et expérimentales qui retracent la vie urbaine du Hong Kong des années 50 à nos jours, mais aussi qui explorent des sujets plus ancrés dans la tradition picturale comme les shanshui (mot chinois signifiant la peinture traditionnelle de paysage), l’abstraction ou les nus. Les photographies de Ho Fan sont tout sauf de la " pure photographie ", il aime à leur ajouter des dimensions dramatiques et expressionnistes, en déformant volontairement les silhouettes, en accentuant les zones d’ombre et de lumière, en altérant la perspective...


Weng Naiqiang (né en 1936 à Jakarta, Indonésie) est arrivé en Chine à l’âge de 15 ans et a débuté sa carrière de photojournaliste dans les années 60. Armé de son Rolleiflex, Weng a représenté la Révolution culturelle et le rouge qui lui est associé. Le fait d’être un grand fan de Mao, et d’être nommé photographe officiel d’un tel événement historique ne pouvait laisser de marbre le photographe. Il n’est donc pas étonnant que son engouement se traduise dans ses photographies aux multiples couleurs vibrantes et dynamiques. Sous Mao, les frontières chinoises avaient fermé leurs portes à toute influence provenant des canons occidentaux de la photographie. Aussi, le but de montrer ce genre d'images n’est certainement pas d’encenser la photographie de propagande mais de comprendre ce qu’était la photographie locale même pendant une période de grand extrémisme. Indéniablement, Weng a représenté une période noire sous un nouveau jour tout en couleur. Cette imagerie à l’orientation clairement idéologique demeure une clé importante pour saisir les pratiques contemporaines, notamment la réappropriation de la symbolique du rouge. 


Niu Weiyu (née en 1927) a débuté sa carrière en tant que photojournaliste dans la Chine des années 1940. Ses portraits qui composent la grande majorité de son œuvre, allient avec talent réalité et poésie ce qui lui permet de saisir non seulement la vitalité des personnages, mais aussi la symbolique sociale de l’époque au travers de leurs activités.


En tant que photographe de l’agence Xinhua, Zhang Yaxin (né en 1933) a été chargé de photographier les opéras-modèles et leur signification politique durant la période de la Révolution culturelle. La série Red Times lève le voile sur les huit opéras officiels qui accompagnèrent la vie des Chinois durant plus de dix ans. Mais au delà de ces visions théâtrales, Zhang Yaxin a représenté également les particularités de la vie quotidienne dans la Chine des années 1960-70, comme des manifestations pro-parti communiste hautes en couleurs, ou la force de travail du peuple chinois. De telles photographies avaient pour but principal de promouvoir l’idéologie révolutionnaire, elles jetèrent néanmoins les bases d’une esthétique codifiée et d’une culture visuelle qui eurent une influence considérable sur plusieurs générations de Chinois.


Ho Fan

Au lendemain de la Révolution culturelle, la photographie documentaire se développa rapidement. Beaucoup de journalistes travaillaient alors pour l'État, et ne possédaient donc pas les droits d'auteur de leur travail. 

Marc Riboud, Beijing 1965

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